Atelier Brouckerquois II
On parle. Lettres, langage et formes. Typographie. Et on sort voir le gros ROUGE, pour le dessiner.
Comme un paradoxe. Dessiner un mot. D’après nature.
Percevoir et rendre.
Noter la perte entre les deux. Comme ces fois, où le E final n’est pas dessiné mais réécrit. D’autres mettent du volume dans les lettres. D’autres les palettes. Et tous forment une palette de rouges, de teintes différentes, d’un monochrome de départ.
Et voilà que les dessins sont signées: nait alors le Rouge Luna, le Rouge Céleste, le Martin Rouge, le Rouge Rouge Chloé…
On sort les petites lettres des Letterboxes, pour écrire des couleurs. En rouge. I vert. L’automne est là. Pas le temps de parler de Rimbaud.
Puis des prénoms, comme une récompense identitaire, s’inscrire là en lettres rouges. Tout le monde y passe, je ne garde que Chloé pour ce regard jeté voir si l’accent est bien placé. Et puis le JULES -j’ai pris la photo 3 fois- parce que dans la classe y’en avait trois, trois JULES.
À eux, propres, de faire la différence. De carner leur prénom, identique, à leur façon.
Ils ont tous des t-shirts avec des inscriptions en anglais, on les passe en revue, dont un « BKLYN », je lui explique Brooklyn, New-York, le pont. L’anglais Brook, rivière. Un me dit « Comme Brouckerque! ». Et d’expliquer l’église qui se cache dans le –kerque. L’église des marais. De parler d’Hazebrouck, le marais aux lièvres, de Dunkerque, l’église de la dune.
D’expliquer le flamand, le néerlandais… »broek », l’allemand « bruch », les variantes: Brouck, Broucq, Broucque.
Brooklyn vient des néerlandais qui en 1624 achètent aux Mohawks le territoire sur lequel ils fondent le village de Breuckelen — la première municipalité de la Nouvelle-Néerlande, du nom de la ville de Breukelen aux Pays-Bas et qui deviendra Brooklyn par la suite.
Et puis ces petits moments de chaos vers, à chercher comment écrire, bricoler un A, pour un instant très chorégraphique souvent dans les expressions de chacun, les rôles, les échanges, une composition naturelle, une petite communauté s’organisant pour former le drapeau de l’instant. Là le prénom de Sacha.
De la chorégraphie sauvage, car non écrite.
Juste un prétexte, sous tendant le tout, un prénom, soudainement formant communauté active.
À écrire.
Ensemble.
Tous tournés vers ce « A ».
Ne peux m’empêcher de penser au très beau roman de Nathaniel Hawthorne, La lettre écarlate.
Un des premiers romans de la littérature américaine, autour d’une communauté protestante, puritaine sur la côte est, à quelques encablures de Brooklyn. Tout se boucle.